La Piel Que Habito, Pedro Almodovar, thriller dramatique espagnol, 2011, 1h57, +++
Pour son nouveau film tant attendu, Pedro Almodovar frappe fort. Il adapte à sa façon le roman de Thierry Jonquet, Mygale, sorti en 1984.
Depuis que sa femme a été victime de brûlures dans un accident de voiture, le docteur Robert Ledgard, éminent chirurgien esthétique, se consacre à la création d’une nouvelle peau grâce à laquelle il aurait pu la sauver. Douze ans après le drame, il réussit à cultiver une peau qui est une véritable cuirasse contre toute agression. Outre les années de recherche et d’expérimentation, il faut aussi à Robert un cobaye, un complice et une absence totale de scrupules. Les scrupules ne l’ont jamais étouffé. Marilia, la femme qui s’est occupée de Robert depuis le jour où il est né, est la plus fidèle des complices. Quant au cobaye…
Différent d'Étreintes brisées, son précédent film, La piel que habito voit son réalisateur explorer cette fois les voies du fantastisque de manière superbement bien maîtrisée. Fidèle au style et à la construction qui ont fait le succès de ses films, notamment par la présence de nombreux flash-back qui nouent et dénouent les fils de l'intrigue, Pedro Almodovar prouve une fois de plus l'étendue de son talent. Je vous le dis, les films qui peuvent se permettre quelques longueurs sur leur première moitié sont peu nombreux. Celui-là en fait partie. En effet, l’histoire doit être posée, l’ambiance à la fois froide et passionnelle doit s’installer, le spectateur doit avoir le temps de s’imprégner de chacun des personnages, et ceci demande du temps. Du temps pendant lequel tout semble décousu. Du temps, et un "vide actionnel" qui m’a fait demander pourquoi j’étais venu. Mais après un peu plus d’une heure, tout bascule. Le puzzle se reconstitue, l’histoire prend sens. Le spectateur comprend la matrice dans laquelle s'inscrit une succession d'actes fous d'un homme amoureux, malade, calculateur et froid (rôle parfaitement joué par Antonio Banderas) qui a poursuivi avec acharnement son but dans un désir premier de vengence passionnelle.
Le rôle que joue à la perfection Elena Anaya est un modèle d'esthétisme, rendu d'autant meilleur que les plans réalisés sont remarquables, précis et particulièrement gracieux.
L'intrigue tordue peut nous faire penser à Martyrs, basée sur l’expérimentation humaine où la victime, digne d'un Frankenstein, finie par accepter son triste sort. Ceci en fait l’un des films les plus noirs de ce cinéaste, dans lequel on vient à se demander ce qui fait d’un homme un monstre...