K-Cendres, Antoine Dole, roman, 2011, Sarbacane, Collection Exprim’, 185 pages, 14€, +++

Publié le par abominaddict


 

En dix ans, elle n’a jamais quitté le service. Arrivée enfant, rien su de ses parents. Recluse en chambre capitonnée, l’atmosphère irréelle et ouatée qui s’y est constituée, cette forme d’apesanteur…sa cellule mentale. D’abord elle n’a pas dit un mot – pendant longtemps. Ne s’exprimant que via des coupures de presse, des photos déchirées dans les magazines, de vagues dessins. Tous traduisaient la même aliénation, cette obsession prononcée pour la mort et la fatalité. On avait identifié une forme rare et aiguë d’hystérie infantile.

À l’époque déjà, elle ne supportait pas la musique ni les bruits stridents, intenses ou répétés. Un son trop longuement prolongé la plongeait dans des états catatoniques, ceux-là mêmes dont elle semblait tirer toutes ses angoisses. Puis ses cauchemars


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1995. On découvre Alexandra, une jeune fille fragile entretenant une relation compliquée avec autrui, internée dans un hôpital psychiatrique.

2005. C’est sur la fameuse scène du Zénith qu’on la retrouve, acclamée et admirée par un public hystérique pour ses talents de rappeuse. Alexandra n’est plus, mais K-Cendres est née. Telle la Cassandre grecque, la nôtre possède le don de prédire l’avenir. Ses visions mortifères rythment ses représentations ; elle tente, en vain, de les faire partager à son public en improvisant. Reconnue en tant que véritable artiste, elle reste malheureusement incomprise par ses fans. Personne ne croit en ses prophéties. Le public ne voit qu’elle, son succès et sa musique. K-Cendres, elle, veut faire prendre conscience aux gens qui l’entourent de l’avenir qui l’attend. S’enchaînent alors les morts, et la rappeuse se retrouve emportée dans un tourbillon polémique opposant l’art à l’argent. Polémique cathartique qui rappelle au lecteur l’abomination de l’obstination humaine à être capable de tout vendre, de tout acheter, même le talent. La star voit les liens qu’elle entretient avec ses proches du milieu évoluer, proches qui possèdent un rôle majeur, notamment son body-guard. La fin est rédigée d’une main de maître, un maître qui nous ouvre des voies et nous laisse à la libre interprétation.


prophéties


Grâce à une écriture authentique, dénuée de tout superflu, Antoine Dole nous amène au cœur de l’âme de K-Cendres. Le lecteur peut sentir et ressentir son mal-être, qui avec le temps ronge le peu de vitalité qu’elle possède, et tend à ne laisser que des cendres. Souvent qualifiée de nerveuse, l’écriture de ce jeune auteur reflète une partie de lui-même, qui avoue se donner corps et âme à l’écriture de ses romans.

Antoine Dole s’est inspiré d’une expérience passée, celle de l’écriture de Fly Girls (juin 2010), en collaboration avec Sté Strausz. Cet essai, qui lui a demandé plus d’un an de travail, de démarches professionnelles, de rencontres et d’interviews enrichissantes, rend hommage aux femmes qui excellent dans l’art de rapper, un genre qui a souffert, sans cesse stigmatisé, et trop mec-anisé.

antoine

Aron

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S
<br /> <br /> Ce roman montre bien les extrêmes du milieu de la musique qui rejoint sûrement ceux du showbiz en général. C'est très bien écrit, ça va à l'essentiel.<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Tout à fait d'accord, l'amalgame des deux milieux, l'un (le showbiz) pourrissant l'autre (la musique), mais l'autre étant indispensable à l'un, est bien maîtrisé et le rendu est assez plaisant.<br /> Je n'ai pas eu le plaisir de lire encore ses autres romans...<br /> <br /> <br /> <br />